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NECROLOGIE

  • Responsable Communication DG38
  • 1 nov.
  • 5 min de lecture

NECROLOGIE


Décès de Marianne, dernière résistante du maquis de l’Oisans :

« Elle incarne à elle seule le souvenir de ces hommes et femmes qui ont libéré l’Isère »

 

Elle a résisté. Sans arme. Mais avec toute sa détermination et ses compétences de soins. Élisabeth Rioux-Quintenelle, dite Marianne, infirmière dans le maquis de l’Oisans et en Maurienne pendant la Seconde Guerre mondiale, est décédée le 26 juillet dernier à Crémieu. Elle avait 103 ans.

 

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L’Iséroise était pensionnaire à l’Ehpad de Crémieu et s’est éteinte à l’âge de 103 ans, pendant l’année qui marque les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale.




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Marianne (Élisabeth Rioux-Quintennelle) en 1945, lorsqu’elle a été décorée de la Croix de guerre 1939-1945 par le lieutenant-colonel Alain Le Ray. Un cliché auquel elle tenait beaucoup et avec lequel elle a été enterrée. 




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À 20 ans, elle est entrée à l’école d’infirmières de la Croix Rouge à La Tronche puis a exercé, une fois diplômée, à l’hôpital, où elle a aidé des prisonniers à s’échapper.




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Sur ce cliché, on la découvre dans les neiges du mont Froid.



Le jour où la Seconde Guerre mondiale a éclaté, elle n’avait que 17 ans. Elle

était alors lycéenne à Grenoble et ne se doutait pas que quelques années plus tard, elle résisterait au cœur du maquis, dans le froid, l’épuisement et le sang. Élisabeth Rioux-Quintenelle était de celles et ceux dont l’histoire est imbriquée dans l’Histoire. Une vie qu’elle a écrite jusqu’à ses 103 ans et qui s’est achevée le 26 juillet dernier à l’Ehpad Jeanne-de-Chantal de Crémieu, où elle résidait depuis presque deux décennies.


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Élisabeth Rioux-Quintenelle, dite Marianne, lors de la célébration de son 100  anniversaire en 2022. Elle est entourée des membres de l’Association nationale du maquis de l’Oisans, du Comité Nord-Isère de la Société des membres de la Légion d’honneur, de la directrice départementale de l’ONaCVG, de sa petite-fille.  



Née le 30 mars 1922 à La Tronche, la petite Élisabeth a grandi dans une famille protestante, qui est venue en aide aux juifs dès le début du conflit mondial. À 20 ans, elle entre à l’école d’infirmières de la Croix Rouge et exerce, une fois diplômée, à l’hôpital de La Tronche. Elle débute en novembre 1943 et profite de sa position pour aider des résistants à s’échapper. Dénoncée, elle doit s’enfuir et prend le nom de Marianne Roland. « Le jour où elle est partie au maquis, elle est devenue à vie, Marianne. C’est comme ça qu’on parle d’elle », lance Christine Besson-Ségui , présidente de l’Association nationale des anciens, descendants et amis du maquis de l’Oisans et du secteur 1. Marianne était la dernière résistante de ce maquis, qui comptait une grosse majorité d’hommes, et l’une des dernières représentantes des résistants de ce haut-lieu de lutte contre l’ennemi, qui comptait 1 500 personnes.

Panser les plaies et lutter sans arme

L’infirmière, postée au Rivier d’Allemond, lutte pendant des mois, sans arme, mais avec toute sa détermination et ses compétences médicales. La guerre sans arme , c’est d’ailleurs le titre de l’ouvrage qu’elle publie en 1996. Un peu avant, elle avait aussi raconté son histoire dans Voix de liberté, un recueil d’une dizaine de témoignages d’anciens maquisards de l’Oisans. « C’était nécessaire pour elle. Écrire, c’est se libérer. Et elle l’a fait assez tard finalement en mettant les choses noir sur blanc plus de 50 ans après la guerre », souligne Christine Besson-Ségui.

Au cœur des montagnes, Marianne panse les plaies, transporte les morts et tient bon. « C’était un maquis multiconfessionnel et multi-origines. Il y avait des Marocains, des Indochinois, des Russes… rappelle la présidente. Un jour, trois soldats polonais ont été ramenés au “château” du Rivier-d’Allemond, où était l’infirmerie. Le dernier encore en vie est mort alors qu’elle lui donnait à boire. Elle dira que ça a été une profonde tristesse que de voir ce jeune à la tête fracassée, mourir dans ses bras, si loin de chez lui et dans ces belles montagnes où il était venu se battre pour la France pour la liberté de la Pologne. En 2023, lors d’une visite dans son Ehpad, je lui ai apporté une photo récente du château du Rivier, qui était en fait une grosse maison. Et elle s’est mise à pleurer… Elle a fait le lien entre cet endroit et les choses difficiles qu’elle y a connues ».


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Élisabeth Rioux-Quintenelle, infirmière et résistante au maquis de l’Oisans, a reçu la croix de chevalier de la Légion d’honneur, le 4 août 1986, à Grenoble, des mains du général Gérard de Peyrelongue, en présence d’unités du 6  bataillon de chasseurs alpins.



À la Libération, Élisabeth retrouve sa ville et la maison familiale du cours Jean-Jaurès à Grenoble. Mais la guerre n’est pas finie et Marianne fait le choix de s’engager dans l’armée, au sein du service de santé des chasseurs alpins. Elle rejoint la Savoie et le fort du Charmaix (au-dessus de Modane). On est en octobre 1944, « un mois glacé, à 1 500 mètres d’altitude » où la nourriture est « infecte et froide ». L’infirmière prend part à la bataille des Alpes sur les pentes du Mont-Cenis et du mont Froid, jusqu’à la fin avril 1945. Là encore, sous le feu ennemi, elle soigne, lutte, sous les ordres du futur général Alain Le Ray. Dans la préface du livre La guerre sans arme, il évoque la mission itinérante de Marianne auprès des avant-postes. « Elle sera appelée à intervenir sur le front et en pleine neige. Elle passera des jours et des nuits en casemate ou allant, par des froids polaires, d’un groupe à l’autre au soutien des blessés. Ce fut un régime d’une exceptionnelle sévérité et, très aimée de chacun, elle fit l’admiration de tous ».


« Il fallait le faire ! »

« Du courage ? disait Marianne. Ce n’était pas du courage. Il fallait le faire ! » La maquisarde n’a jamais hésité à le faire, à s’engager, jusqu’à la fin de la guerre.

Le 10 septembre 1949, elle épouse Henri-Noël Quintenelle, alias Quintus, un ancien FFI titulaire de la croix de guerre 1939-1945 comme elle. Ils ont eu deux filles, Claire et Marianne.

Un dernier hommage a été rendu à Élisabeth Rioux-Quintenelle ou Marianne, le 31 juillet à la chapelle accolée à l’Ehpad de Crémieu, en présence de sa famille, d’amis et de représentants d’associations d’anciens combattants ou du souvenir. Un moment pour se souvenir de celle qui était « enjouée, qui aimait partager et assister aux cérémonies commémoratives ».

« En respectant son engagement FFI (Forces françaises de l’intérieur) jusqu’à son terme et au risque de perdre la vie, Marianne est l’exemple même de l’héroïsme, de l’abnégation et de l’humilité, conclut Christine Besson-Ségui. Elle incarne à elle seule le souvenir de ces hommes et femmes qui ont libéré l’Isère et qui ont continué le combat jusqu’en Italie, en Allemagne ou en Autriche, pour la victoire contre le nazisme ».


De nombreuses médailles

L’engagement de Marianne a été récompensé par la Croix de guerre 1939-1945 avec deux citations (maquis et bataille des Alpes) qui lui été remise par le lieutenant-colonel Alain Le Ray en octobre 1945. Le 4 août 1986, elle a reçu la croix de chevalier de la Légion d’honneur, avant celle d’officier en 2012, au titre des Décorés au péril de leur vie (DPLV). Elle a aussi été honorée du prix “spécial” Soldat de montagne en 2017. À Corbelin, une école porte son nom depuis 2023. En juin 2024, elle a reçu, dans son Ehpad, une dernière médaille  de la direction du Service national et de la jeunesse, pour l’exemple qu’elle représentait pour les jeunes en matière de transmission de la mémoire.

 

 
 
 

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